Les secrets des huîtres et perles de Tahiti

La culture de perles est une activité fort lucrative en Polynésie, et rares sont ceux qui vous expliquent le business en détail lors d’une visite d’une ferme perlière. Pour satisfaire votre soif de connaissance, suivez-nous dans cette immersion au cœur de la production des perles de Tahiti dans l’archipel des Gambier.

Perles colorées des Gambier
Perles colorées des Gambier

Le cycle de production

La production d’une perle s’étale sur plusieurs années, de la récolte des jeunes huitres Pinctada margaritifera, en passant par la greffe d’un nucleus, et pour finir, par l’extraction des perles. En voici les grandes étapes.

Au commencement était… disons… la larve d’huître, résultant de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule qui reste quelques jours dans l’huître avant d’être expulsé dans le lagon.

Le collectage des huitres

Après s’être déplacé dans le lagon, la larve va chercher à se fixer sur un support adéquat. C’est là que le travail d’ostréiculture commence. Jadis, le bois de miki miki (Pemphis acidula), un arbuste des motus qui a la particularité d’être plus dense que l’eau, était utilisé comme collecteur pour fixer les larves. Aujourd’hui le collectage est réalisé avec des sortes de guirlandes en plastique pendues le long de longues cordes horizontales de 200m qui, elles, sont maintenues à faible profondeur grâce à des bouées (celles que l’on voit partout sur les côtes polynésiennes).

les longues cordes où sont suspendus en profonduer les chapelets d’huitres, et les bouées qui les maintiennent à l'équilibre.
les longues cordes où sont suspendus en profonduer les chapelets d’huitres, et les bouées qui les maintiennent à l'équilibre.

Le collectage est fait essentiellement à l’ouest de l’île de Mangareva, là où il y a une concentration d’huîtres matures devenues femelles.
La récolte diminue de plus en plus, au point de provoquer une pénurie d’huîtres qui ne suffit plus à combler la demande. En 2022, 3500 huîtres ont été introduites sur les sites de reproduction préconisés par de l’IRD et IFREMER pour essayer d’endiguer cette chute.

Le détroquage

Au bout d’un an, les huîtres sont extraites des boudins, nettoyées et les coquilles sont percées pour les attacher à un fil selon la technique CTN (Cord Technical Nakasai) en vue de les suspendre sur des cordes immergées. Un grillage en plastique vient entourer le chapelet pour les protéger de ses prédateurs naturels : tortues, poissons perroquet, balistes, poissons coffres et raies léopard. Les plus grosses huîtres vont dans des sacs filets “kangaroo” avec une poche par huître. Six mois plus tard, les premières greffes sont possibles.

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La greffe des huitres

Et oui, les belles perles rondes d’un centimètre ne poussent pas naturellement. Il faut introduire une bille, le nucléus, ici fabriqué à partir de la coquille d’une huître du Mississipi. L’intervention, délicate, est souvent réalisée par des greffeurs chinois. Une incision est faite sur l’huître maintenue entrouverte par un petit coin en plastique, puis le nucléus est introduit. Enfin un petit fragment de manteau prélevé sur une autre huître est accolé au nucléus. Si tout se passe bien, le manteau se développera tout autour de la sphère et formera le sac perlier. Les sécrétions organiques et minérales du manteau se déposeront alors en couches de nacre autour du nucléus. La teinte jaune de la bille provient du bain de Betadine, un antiseptique local utilisé pour favoriser la greffe.
La couleur des perles va dépendre d’où le manteau est prélevé. Souvent les huîtres de Polynésie ont une nacre irisée sur les bords. Comme c’est le manteau qui la produit, il s’agit de découper une petite portion de manteau juste au-dessus de la couleur de nacre voulue.

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Les huîtres repartent alors dans le lagon, dans des sacs “kangaroo”. Une petite pochette individuelle est ajoutée pour une durée de 30 jours afin de repérer les éventuels rejets de greffe.
Idéalement l’huître et la perle vont passer 18 mois, deux saisons fraîches et une saison chaude (celle où les maladies se développent le plus vite) dans le lagon des Gambier.

La récolte

L’heure de vérité, celle ou plusieurs années d’élevage d’une huître vont révéler soit une perle parfaite, soit avec quelques imperfections, soit un rebu (invendable au sens des critères de qualité de la perle polynésienne mais qui sera souvent montée en bijou fantaisie).
Comme lors de la greffe, l’huître est maintenue ouverte avec de coin et c’est via une incision et une pince fine que la perle est extraite. Si la perle est de qualité exceptionnelle, une seconde greffe est alors réalisée avec un nucléus de la taille de la perle récoltée, c’est la « surgreffe ». Les huîtres peuvent être ainsi greffées deux à trois fois, la taille de la perle obtenue étant de plus en plus grande.

Lorsqu’elles sont suspendues sous les cordes immergées, les huîtres sont nettoyées tous les trois mois afin de permettre une bonne circulation d’eau. Ce travail répétitif et extrêmement chronophage est réalisé manuellement par des plongeurs qui font des apnées des journées durant.

Le commerce des perles

La qualité des perles

Les perles de Polynésie sont évaluées en fonction des 6 critères de qualité :

  • Forme des perles : ronde, semi-ronde, semi-baroque, cerclée, baroque (forme indéterminée).
  • Taille des perles : 8mm à 21mm.
  • Surface des perles : parfaite, très légères imperfections, légères imperfections, imperfections modérées, Imperfections lourdes (en aucun cas on ne doit voir le nucleus et avoir d’aspérité blanche).
  • Lustre : excellent, très brillant, brillant, moyen, doux.
  • Épaisseur de la nacre : très épaisse, épaisse, fine (0.8mm de nacre au minimum).
  • Couleur : couleur du corps de la perle, reflets, traits.
  • Les perles rondes, parfaites, brillantes et avec une épaisseur certifiée (analysée au rayon x) sont les plus recherchées.
  • Les couleurs bleu, vert, rose, jaune et les très rares perles multicolores sont fortement appréciés.

Côté production, 65 perles pour 100 huîtres sont commercialisables.
Sur ces 65 perles il y a :

  • 1 à 3% de qualité supérieure
  • 30% de ronde
  • 30% de semi-baroque
  • 30% de cerclé

Le commerce

La majorité des perles partent sur le marché asiatique et l’intégralité de la production de certaines fermes est même vendue avant la récolte des perles !
Les grossistes de Tahiti achètent aussi souvent en lot et il est rare de trouver de très belles perles à vendre à l’unité en région de production.

Si vous achetez des perles pour les faire monter hors de la Polynésie, il est conseillé de les faire percer sur place car peu de bijoutiers ont les outils adaptés en dehors des régions de production.

Quel est le prix d'une "perle d'un Tahiti" ?

Les prix fluctuent en fonction des années, ils sont indiqués ici pour comprendre leurs croissances non linéaires
. On remarquera des augmentations significatives de prix à certaines tailles de perles : 12 et 14 mm. Ces paliers s’expliquent, car ces perles proviennent d’huîtres greffées plusieurs fois.
Tarif pour des perles rondes et semi-ronde de qualité A :
8 mm : 11 000 XPS
9 mm: 16 000 XPS
10 mm: 22 000 XPS
11 mm: 28 000 XPS
12 mm: 55 000 XPS
13 mm:100 000 XPS
14 mm: 200 000 XPS
15 mm: 320 000 XPS
1 6mm: 490 000 XPS
17 mm: 795 000 XPS

Les keshis

Une huître a également la capacité de produire des perles naturellement, ce sont les Keshis. Elles sont beaucoup plus petites et rarement sphériques. Jadis inexploitées et très à la mode pour faire de fins colliers, les keshis se vendent, de plus en plus cher, à 1500 XPS le gramme chez un grossiste.